L’Amant Malgré lui
Quatre-vingt-unième proverbe
PERSONNAGES
Mad. DE MONGAST, veuve. }
M. DE SAINT-GUY.
M. DE VALPIERRE.
Mad. DE FOURVILLE, veuve.
La Scène est chez Madame de Mongast, dans un Salon.
SCÈNE PREMIÈRE
Mad. DE MONGAST, M. DE VALPIERRE.
Mad. DE MONGAST, en entrant. Tenez, Valpierre, asseyez-vous là.
M. DE VALPIERRE. Qu’est-ce que ce ton sérieux signifie ?
Mad. DE MONGAST. Vous allez le savoir. Je vous ai prié de venir ici aujourd’hui de bonne heure, parce que je veux vous parler avant que votre ami Saint-Guy arrive ; car je ne doute pas qu’il ne vienne cette après-dînée.
M. DE VALPIERRE. Si ce que je soupçonne est vrai, je n’en serais pas surpris non plus.
Mad. DE MONGAST. Que soupçonnez-vous ?
M. DE VALPIERRE. Qu’il vous aime.
Mad. DE MONGAST. Voilà précisément ce que je voudrais savoir.
M. DE VALPIERRE. Et vous vous adressez à moi pour cela. Comme si les femmes ne connaissaient pas mieux que nous ce qui se passe dans notre âme, et puis ne vous l’a-t-il pas dit ?
Mad. DE MONGAST. Je sais ce qu’il m’a dit, et ce que je voudrais qui fût.
M. DE VALPIERRE. Vous l’aimez, vous, Madame ?
Mad. DE MONGAST. Ce n’est pas là ce que je veux vous dire.
M. DE VALPIERRE. Eh bien, je le devine, et je trouve Saint-Guy bien heureux ; car je vous avoue que sans l’amour que j’ai pour Madame de Fourville, je crois que j’aurais été amoureux de vous.
Mad. DE MONGAST. Voulez-vous que je le lui dise ?
M. DE VALPIERRE. Ah, gardez-vous-en bien, ne plaisantez pas là-dessus.
Mad. DE MONGAST. Laissons cela. Parlez-moi vrai ; croyez-vous la rupture de Saint-Guy et de Madame de Bonpart, sans retour absolument ?
M. DE VALPIERRE. Je crois pouvoir vous l’assurer ; il y a six mois qu’ils ne se sont vus.
Mad. DE MONGAST. Mais, croyez-vous que Saint-Guy en soit entièrement détaché ?
M. DE VALPIERRE. Oui ; car il ne m’en parle plus, ni en bien ni en mal.
Mad. DE MONGAST. Il l’a vivement aimée ?
M. DE VALPIERRE. On ne peut pas davantage. La maladie qu’il a eue, n’a été causée que par la violence du chagrin qu’il a ressenti de se voir abandonné par elle. Il lui en est même resté une impression de tristesse…
Mad. DE MONGAST. Il me semble qu’elle diminue de jour en jour.
M. DE VALPIERRE. Le plaisir qu’il goûte auprès de vous fait ce miracle, sans doute.
Mad. DE MONGAST. Il faut vous l’avouer, je le désire ardemment.
M. DE VALPIERRE. Mais ne vous a-t-il pas dit qu’il vous aime ?
Mad. DE MONGAST. Il me l’a dit, il est vrai ; mais s’il se trompait lui-même, si le désir d’effacer le souvenir de Madame de Bonpart, était le seul motif qui l’engageât, qu’en pourrais-je espérer ?
M. DE VALPIERRE. De le rendre le plus heureux des hommes ; la comparaison qu’il fera de vous à elle, tournera toute à votre profit.
Mad. DE MONGAST. Ah ! Valpierre ! Je voudrais m’en assurer.
M. DE VALPIERRE. J’imagine une chose, pour l’éprouver, rendez-le jaloux.
Mad. DE MONGAST. Le conseil n’est pas mauvais, mais de qui ?
M. DE VALPIERRE. De qui vous voudrez.
Mad. DE MONGAST. Eh bien, de vous ?
M. DE VALPIERRE. Cela ne se peut pas, il sait que j’aime Madame de Fourville.
Mad. DE MONGAST. Il sait aussi que l’on peut être infidèle.
M. DE VALPIERRE. Les hommes ne savent point cela.
Mad. DE MONGAST. Allons, faites ce que je vais vous dire.
M. DE VALPIERRE. Non, réellement je ne saurais y consentir.
Mad. DE MONGAST. Cependant je ne peux me fier qu’à vous pour faire cette épreuve.
M. DE VALPIERRE. Que voulez-vous que je fasse ?
Mad. DE MONGAST. Que vous m’écriviez un billet.
M. DE VALPIERRE. Il vaut mieux pour le rendre jaloux que ce soit vous qui m’écriviez.
Mad. DE MONGAST. Ne plaisantez pas, écrivez.
M. DE VALPIERRE. Je le veux bien ; mais je ne changerai rien à ce que je vais écrire, je vous en avertis. Il écrit.
Mad. DE MONGAST, le regardant écrire. Ah, qu’est-ce que vous écrivez-là ?
M. DE VALPIERRE. Laissez-moi finir. (Il écrit.) Tenez, voilà, tout ce que je peux faire pour vous.
Mad. DE MONGAST. Voyons. « Si je veux vous en croire, Madame, vous m’aimez ; mais est-ce assez de le dire ? Vous êtes sûre de mon cœur ; que rien ne retarde plus mon bonheur, Madame, je vous en supplie. » En vérité, Valpierre, quel usage voulez-vous que je fasse de ce billet-là ? il est indécent.
M. DE VALPIERRE. Comment indécent ?
Mad. DE MONGAST. Mais assurément : que rien ne retarde plus mon bonheur.
M. DE VALPIERRE. Savez-vous, Mesdames, que votre délicatesse, vous fait souvent voir de l’indécence où il n’y en a pas ?
Mad. DE MONGAST. Voyons un peu comment vous me prouverez cela.
M. DE VALPIERRE. Rien n’est plus aisé. Que rien ne retarde plus mon bonheur ; cela veut dire, consentez à m’épouser.
Mad. DE MONGAST. Allons, allons.
M. DE VALPIERRE. Qu’est-ce donc que vous croyez que cela voulait dire ?
Mad. DE MONGAST. Vous avez raison.
M. DE VALPIERRE. J’entends un carrosse. (Il va regarder à la fenêtre.) C’est Saint-Guy.
Mad. DE MONGAST. Eh bien, restez ici. Dites qu’on est allé me chercher dans le jardin, et faites-le parler de moi.
M. DE VALPIERRE. Laissez-moi faire.
Mad. DE MONGAST. J’écouterai, et je paraîtrai quand il le faudra.
M. DE VALPIERRE. Allez-vous-en donc.
SCÈNE II
M. DE SAINT-GUY, M. DE VALPIERRE, CHAMPAGNE.
CHAMPAGNE. Monsieur de Saint-Guy.
M. DE VALPIERRE. Ah, Saint-Guy, te voilà, j’en suis fort aise.
M. DE SAINT-GUY. Où est donc Madame de Mongast ?
M. DE VALPIERRE. Elle se promène, à ce qu’on m’a dit ; on est allé la chercher. Ne trouves-tu pas que c’est une femme fort aimable ?
M. DE SAINT-GUY. Oui.
M. DE VALPIERRE. Mais, je dis très aimable.
M. DE SAINT-GUY. Elles sont toutes comme cela, quand elles ont envie de vous plaire.
M. DE VALPIERRE. C’est un moyen sûr et elles ont raison.
M. DE SAINT-GUY. Oh, raison ! oui, si elles ne changeaient pas.
M. DE VALPIERRE. Mais, je crois Madame de Mongast très constante.
M. DE SAINT-GUY. Je le voudrais.
M. DE VALPIERRE. Ah, tu l’aimes, voilà ce que je voulais savoir.
M. DE SAINT-GUY. Je voudrais qu’elle le crût du moins.
M. DE VALPIERRE. S’il est vrai, tu le lui persuaderas aisément.
M. DE SAINT-GUY. Vrai ou non, n’importe.
M. DE VALPIERRE. Je ne te comprends pas.
M. DE SAINT-GUY. Mon ami, je ne veux plus aimer.
M. DE VALPIERRE. Comment donc ?
M. DE SAINT-GUY. Je sais trop ce qu’il en coûte, on ne m’y prendra plus ; j’ai trop aimé pour mon malheur ! Une femme qui change devient notre bourreau ; insensible à tout ce que vous souffrez, c’est l’âme la plus dure, la plus cruelle ! En vous offrant son amitié, quand elle vous ôte son amour, elle croit s’acquitter de tout, eh quelle amitié ! Ce n’en est seulement pas l’apparence ; au lieu de l’intéresser vous lui déplaisez continuellement, ce n’est plus qu’un commerce d’aigreur, c’est le poison de l’âme, trop heureux si l’on en mourait !
M. DE VALPIERRE. C’est qu’il faut se consoler d’une passion par une autre.
M. DE SAINT-GUY. Oui, avec l’espoir d’éprouver le même tourment un jour ; non, je hais les femmes pour toute ma vie.
M. DE VALPIERRE. Tu ne hais que Madame de Bonpart.
M. DE SAINT-GUY. Elle ? Je la méprise trop pour la haïr. Je voudrais pouvoir punir ce sexe ingrat et me venger de toutes les femmes.
M. DE VALPIERRE. Cela serait assez amusant.
M. DE SAINT-GUY. Je ne plaisante point. Je voudrais pouvoir leur inspirer à toutes l’amour le plus violent, pour les abandonner après, et les voir souffrir à leur tour, sans aucune pitié.
M. DE VALPIERRE. Quelle folie !
M. DE SAINT-GUY. Il n’y a point de folie à cela.
M. DE VALPIERRE. Avec ce projet-là, tu seras la dupe de ton amour propre ; la première qui te plaira…
M. DE SAINT-GUY. Ne me fera pas oublier tout ce qu’elle peut me causer de tourments.
M. DE VALPIERRE. Tu la trouveras si différente de Madame de Bonpart, que tous tes projets échoueront.
M. DE SAINT-GUY. Je ne le crains pas.
M. DE VALPIERRE. Mais Madame de Mongast, par exemple ?
M. DE SAINT-GUY. Eh bien, Madame de Mongast, si elle m’aimait, serait plus faite que personne pour me faire redouter ce que tu viens de dire, cependant je ne le crains pas.
M. DE VALPIERRE. Et tu aurais la cruauté si elle t’aimait, de n’y pas être sensible ?
M. DE SAINT-GUY. Je te dis que je ne veux plus aimer.
M. DE VALPIERRE. Si tu la choisis pour être l’objet de la vengeance sur tout son sexe, tu perdras ton temps.
M. DE SAINT-GUY. Comment ?
M. DE VALPIERRE. C’est que je ne crois pas qu’elle puisse t’aimer.
M. DE SAINT-GUY, intrigué. Et par quelle raison ?
M. DE VALPIERRE. Je ne puis pas te le dire.
M. DE SAINT-GUY. Elle aime ailleurs ?
M. DE VALPIERRE. Mais…
M. DE SAINT-GUY. Voilà ce que j’ai craint ; mais cependant elle m’écoute.
M. DE VALPIERRE. C’est pure honnêteté.
M. DE SAINT-GUY. Pure honnêteté ?
M. DE VALPIERRE. Oui, elle a l’âme douce, elle croit sans doute que tu l’aimes, elle craint que tu ne sois désespéré de voir qu’elle ne saurait partager ton amour…
M. DE SAINT-GUY. Ainsi, elle me trompe par honnêteté.
M. DE VALPIERRE. T’a-t elle dit qu’elle t’aimât ?
M. DE SAINT-GUY. Non, mais elle se laisse aimer ; c’est la même chose ; n’est-ce pas là comme ce sexe perfide sait nous engager ?
M. DE VALPIERRE. J’aime bien que tu lui reproches sa perfidie, quand tu n’es occupé que de vouloir lui en faire une.
M. DE SAINT-GUY. Moi ?
M. DE VALPIERRE. Oui, n’est-ce pas ton projet ?
M. DE SAINT-GUY. Je l’avoue… la réflexion est juste.
M. DE VALPIERRE. Eh bien, cherche une autre femme dont le cœur soit libre.
M. DE SAINT-GUY. Une autre femme ?… Tu es donc bien assuré que Madame de Mongast aime ailleurs ? Elle aime ailleurs ?
M. DE VALPIERRE. Je te l’ai déjà dit.
M. DE SAINT-GUY. Et tu crois ne te pas tromper ?
M. DE VALPIERRE. Non ; mais à ta place, dans cette incertitude, je ne voudrais pas risquer de perdre mon temps auprès d’elle, avec le beau projet que tu as surtout.
M. DE SAINT-GUY. Et tu sais sans doute quel est l’heureux mortel…
M. DE VALPIERRE. Non, je n’en sais pas davantage. Mais la voici elle-même, elle pourra t’en instruire.
SCÈNE III
Mad. DE MONGAST, M. DE SAINT-GUY, M. DE VALPIERRE.
Mad. DE MONGAST. Ah ! Monsieur de Saint-Guy est ici ?
M. DE VALPIERRE. Oui, Madame ; mais il a un peu d’humeur, et il a besoin de votre présence pour le remettre.
Mad. DE MONGAST. Il a eu des chagrins si violents, que je ne suis pas étonnée qu’il en ressente encore les impressions.
M. DE VALPIERRE. Me permettriez-vous de passer dans votre cabinet, pour écrire quelque chose ?
Mad. DE MONGAST. Sans doute ?
SCÈNE IV
Mad. DE MONGAST, M. DE SAINT-GUY.
Mad. DE MONGAST. Je le vois, Monsieur, rien ne peut vous consoler de Madame de Bonpart.
M. DE SAINT-GUY. Que vous, Madame, je vous l’ai déjà dit ; mais je crains bien que l’amour que vous m’avez inspiré, ne soit pour moi, une nouvelle source de malheur.
Mad. DE MONGAST. On a dit quelque part que l’on n’aimait véritablement qu’une fois en sa vie, et la passion que vous avez eu a été si vive, qu’il vous serait impossible d’en avoir encore une pareille.
M. DE SAINT-GUY. C’est un moyen d’éloigner honnêtement de nous, un homme qui ne saurait vous plaire.
Mad. DE MONGAST. Pourquoi cela ? Je ne vous comprends pas. D’ailleurs vous pourriez croire que vous m’aimez réellement, vous tromper et me tromper moi-même.
M. DE SAINT-GUY. Moi, Madame ?
Mad. DE MONGAST. Je ne dis pas que vous en ayez le projet ; car cela serait affreux, convenez-en ?
M. DE SAINT-GUY. Je le vois bien, vous ne m’aimerez jamais, et je le mérite.
Mad. DE MONGAST. Pourquoi donc ?
M. DE SAINT-GUY. Cela serait inutile à dire ; c’est une juste punition de l’erreur où j’étais. Je ne croyais pas que je pusse jamais vous aimer tant, lorsque je me suis attaché à vous, et je sens que les âmes honnêtes et sensibles ne doivent jamais craindre d’être capables de trahison.
Mad. DE MONGAST. Votre douleur me paraît si vraie, qu’elle me touche réellement.
M. DE SAINT-GUY. Quoi, Madame, serais-je assez heureux…
Mad. DE MONGAST, se levant et laissant tomber le billet de Monsieur de Valpierre. Non, Monsieur, vous ferez bien de me fuir.
M. DE SAINT-GUY, lisant le billet. Que vois-je ?
Mad. DE MONGAST. Que lisez-vous là, Monsieur ?
M. DE SAINT-GUY. Mon arrêt, Madame. Vous aimez, et c’est Valpierre, je suis perdu !
Mad. DE MONGAST. Que dites-vous ?
M. DE SAINT-GUY. C’est son écriture. Ah, Madame ! Que pouvez-vous espérer avec lui, s’il trahit pour vous Madame de Fourville ? Il avait bien raison de m’assurer que vous ne m’aimeriez jamais.
Mad. DE MONGAST. Vous croyez que j’aime Monsieur de Valpierre ?
M. DE SAINT-GUY. Hélas, il n’est que trop vrai pour mon malheur ! Je croyais ne pouvoir plus aimer, mais l’excès de ma douleur me prouve que je n’ai jamais aimé comme je vous aime.
SCÈNE V
Mad. DE FOURVILLE, Mad. DE MONGAST,
M. DE SAINT-GUY, CHAMPAGNE.
CHAMPAGNE. Madame de Fourville.
M. DE SAINT-GUY, à Madame de Fourville. Ah, Madame !
Mad. DE MONGAST. Qu’allez-vous faire ?
M. DE SAINT-GUY. On nous trahit tous les deux, lisez. Donnant le billet.
Mad. DE FOURVILLE. Comment ? (Elle lit.) Est-il possible ?
SCÈNE VI
Mad. DE FOURVILLE Mad. DE MONGAST,
M. DE SAINT-GUY, M. DE VALPIERRE.
M. DE VALPIERRE. Madame, les apparences sont contre moi ; mais je ne suis pas coupable, je vous le jure.
Mad. DE FOURVILLE. Que me direz-vous ? Que ce billet-là n’est pas pour Madame de Mongast ? Eh dès qu’il n’est pas pour moi, comment pourrez-vous vous justifier ?
M. DE VALPIERRE. Que Madame me permette de parler seulement et vous verrez…
Mad. DE FOURVILLE. Que voulez-vous que je croie d’une personne qui vous enlève à moi ? Et dans quel moment !
Mad. DE MONGAST. Non, Madame, je ne vous enlève point Monsieur de Valpierre…
Mad. DE FOURVILLE. Quand je le cherche partout pour lui apprendre, ainsi qu’à vous, Madame, que rien ne s’oppose plus à notre mariage, que je crois que tous deux vous partagerez mon bonheur, vous me causez le plus vif désespoir !
M. DE VALPIERRE, transporté de joie. Quoi, Madame, rien ne s’oppose plus…
Mad. DE FOURVILLE. Non, ingrat.
M. DE VALPIERRE. Ingrat ? Vous êtes dans l’erreur, ce jour est le plus beau de ma vie !
Mad. DE FOURVILLE. Je ne vous comprends point !…
M. DE SAINT-GUY. Quoi, Valpierre…
Mad. DE MONGAST. N’est point infidèle.
M. DE VALPIERRE. Non, Madame, je n’ai jamais cessé un instant de vous adorer.
Mad. DE MONGAST. J’ai causé votre inquiétude, je suis la seule coupable, et je dois le justifier. Pour m’obliger il a commis une imprudence en écrivant ce billet ; mais je l’ai partagée. Monsieur de Saint-Guy m’avait dit qu’il m’aimait, j’avais de la peine à le croire, et j’ai voulu l’éprouver en le rendant jaloux.
M. DE SAINT-GUY. Serait-il bien possible ?…
Mad. DE MONGAST. Il avait feint de m’aimer.
M. DE SAINT-GUY. Quoi, Madame ?…
Mad. DE MONGAST. J’ai entendu votre conversation avec Monsieur de Valpierre.
M. DE SAINT-GUY. Quoi, vous croyez encore que mon amour n’est qu’une feinte ?
Mad. DE MONGAST. Si j’avais pu le croire, si je n’avais pas lu mieux que vous dans votre cœur, aurais-je employé la jalousie pour augmenter votre amour ?
M. DE VALPIERRE. Mon ami, ces Dames en savent plus long que nous en amour, livrons-nous à leur discrétion.
Mad. DE MONGAST, à Monsieur de Saint-Guy. Avez-vous toujours le projet de vous venger de nous ?
M. DE SAINT-GUY. Punissez-moi d’avoir eu ce désir, je ne m’en plaindrai pas.
Mad. DE MONGAST. Ce serait me punir moi-même. N’est-il pas vrai, Madame, qu’en tourmentant l’objet qu’on aime, on souffre mille fois plus que lui ?
Mad. DE FOURVILLE. Ne parlons point de tourments, quand notre bonheur est entre nos mains ; venez tous souper chez moi, nous y fixerons l’instant qui doit nous lier pour jamais.
Mad. DE MONGAST. Monsieur de Saint-Guy, vous entrez dans l’esclavage, prenez garde à vous.
M. DE SAINT-GUY. Mon bonheur est trop grand, pour qu’il ne me fasse pas oublier ce que je croyais avoir encore à redouter en aimant.
Ils s’en vont.
Fin du quatre-vingt-unième Proverbe.
Carmontelle, L’Amant malgré lui, 1773
Explication du proverbe : « Il ne faut pas badiner avec le feu ».
Source : https://lesmanuelslibres.region-academique-idf.frTélécharger le manuel : https://forge.apps.education.fr/drane-ile-de-france/les-manuels-libres/francais-premiere ou directement le fichier ZIPSous réserve des droits de propriété intellectuelle de tiers, les contenus de ce site sont proposés dans le cadre du droit Français sous licence CC BY-NC-SA 4.0